Young Ones de Jake Paltrow

Au milieu du désert, un homme tente de protéger sa récolte, sa famille. 

Empruntant tour à tour au western et à la première partie agricole de Star Wars, Young Ones de Jake Paltrow est un film évoquant le cinéma des années 50, 70, 80, et les préoccupations contemporaines de la fin du monde. Que le film tienne sur un tel maelstrom est déjà une réussite.

Naïf par bien des aspects, parfois maladroit, le récit tire sa puissance d’enjeux clairement énoncés, qui ne volent jamais plus haut que leur cul mais qui font sens en un final oedipien, taiseux, et magnifique.

Il s’agit de transmettre, ou plutôt de prendre la relève. Le jeune héros « n’oublie pas le visage de son père » pour reprendre la ritournelle de La Tour Sombre, et prend sur ses frêles épaules le poids de la vengeance, du souvenir et surtout, de la responsabilité.

Young Ones cristallise ainsi la question de la violence comme argument de self preservation, thème central de la culture américaine aux côtés de l’espace. Oeil pour oeil, dent pour dent : tout cela, au nom du corps familial et de l’innocence, tient debout dans la mythologie américaine. Ces thèmes, très présents dans des oeuvres telles que We own the night de James Gray, There will Be Blood de Anderson, True Grit revu par les Coen et la série droitière The Walking Dead, apportent du sens à l’heure même où le cinéma américain tend à se diluer dans le film Marvel, qui ne dit pas grand chose mais qui tient à le dire, de façon indifférenciée, au plus grand nombre.

Ce discours tenu par Young Ones est d’autant plus intéressant qu’il restaure, d’une part, un premier degré salvateur. Nous avons ici un film qui dit clairement quelque chose à quelqu’un dans un contexte donné. Ne vous fiez pas à la simplicité de cette dernière phrase : il est très important de savoir qui dit quoi aujourd’hui et en quel nom. Le cynisme et la joke permanente, facile et tweetable, ont pris le pas sur la quête de sens, le fond, le texte.  D’autre part on retrouve les thèmes de la transmission tels qu’ils étaient dépeints dans The Road de Mc Carthy et que l’on a vu fleurir dans un jeu vidéo, The Last of Us et déformés par l’ultra sécuritaire Walking Dead. Reprendre la torche dans le noir complet. Faire ce que l’on a a faire. Assumer en silence en encaissant les coups. Avancer droit et planter une graine dans une Terre dévastée. On retrouve là certains thèmes chers au cinéma d’anticipation des années 70 : Rollerball, Silent Running, Soylent Green. Des films qui se présentaient comme tout petits au moment de leur sortie, mais dont le souffle politique trouve toujours un écho aujourd’hui.

Il est intéressant d’apprendre qu’un Star Wars emprunte des plans et des idées à The Searchers de Ford et Lawrence of Arabia de Lean. Et Young Ones arrive, en catimini, à faire la synthèse de tout cela. Enjeux dramatiques simples, mise en scène économe et sensible > discours magistral. Voici un roman d’apprentissage nourri au talion, dans lequel la famille a remplacé la Frontière. A la fin du film, le jeune fermier ne vas pas dans les étoiles, ne détruit pas l’étoile noire, ne sauve pas la princesse. Il regarde sa soeur, qui ne sait pas qu’il a grandi.

Quand son regard se ferme, dans le secret et la prière de la table, le visage des protagonistes s’élève de façon corale dans le générique final, comme une troupe de théâtre qui saluerait son public. A l’instar de Mash et sur une note musicale aussi discrète que profonde, cet effet m’a fait ressentir tout le charme d’une oeuvre faussement mineure, capable d’émouvoir profondément.

Espérons que Jake Paltrow ne cède pas, à l’instar d’un Marc Webb ou d’un Duncan Jones, à l’appel du big buck. Et qu’il continue à nous dire des choses dans le creux de nos oreilles et de notre coeur.

Young ones, Jake Paltrow, 2014.

Sylvain Thuret
Des jours sans nuit
25 avril 2015

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